Fripes-business : au cœur du circuit international des vêtements usagés
Nos reporters se sont intéressés au devenir des vêtements rejetés par les Occidentaux. Pendant plusieurs mois, ils ont suivi le circuit des vêtements usagés, de la collecte initiale à la revente sur les marchés de fripes, en passant par la France, l’Italie, la Tunisie et le Sénégal. Un commerce juteux qui représente plusieurs milliards d’euros.
En Occident, on consomme quatre fois plus de vêtements qu’il y a 30 ans, selon une étude de l’Université de Cambridge. Et on s’en débarrasse toujours plus vite, parfois au bout de quelques mois seulement… Les rebus textiles pèseraient ainsi 8 millions de tonnes par an, soit l’équivalent de 50 milliards de t-shirt, selon une autre étude menée par la société française RecyTextile avec une équipe d’analystes et de chercheurs. Le plus souvent, les propriétaires lassés de leurs vêtements les déposent dans l’une de ces bennes de récupération qui ont poussé comme des champignons dans les rues des grandes villes, persuadés qu’ils profiteront à une personne dans le besoin. Erreur : seuls 2% des vêtements collectés seront effectivement donnés. Le reste sera revendu, parfois dans le pays même, mais le plus souvent à des milliers de kilomètres de là.
Un juteux business qui pèserait 5 milliards d’euros au bas mot, selon nos estimations, réalisées à partir d’études de chercheurs et de chiffres de l’UN Comtrade. Pour remonter le parcours de la fripe, nous avons rencontré tous les acteurs du circuit, des petites mains aux grands patrons.
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Notre périple démarre en Lombardie, au Nord de l’Italie, auprès des employés d’un réseau chargé de collecter les vêtements dont les Italiens ne veulent plus. L’un d’entre eux, Khalid, placarde sur les maisons des appels au don frappés du sigle d’une association catholique reconnue, le Gruppo Volontari Onlus, gage de sérieux qui incite à la générosité. Mais ce n’est pas cette dernière qui gère les opérations : elle ne fait que vendre son nom au réseau de collecte lombard.
C’est ensuite dans l’usine de la société STIFE, fondée en Tunisie par Chokri Chniti, qu’atterrit la récolte italienne, après avoir traversé la Méditerranée par containers. Sur place, 1 000 ouvrières sont chargées de trier les vêtements selon leur type et leur qualité. Une partie est commercialisée directement sur les marchés tunisiens, où l’on est friand de fripes. Certains en sont même passionnés, comme le styliste tunisien Salah Barka ou le collectionneur de fripes Moez.
L’usine réexporte aussi « la crème », certains vêtements de marques, vers l’Europe, où ils seront vendus dans des boutiques « chic et fashion », comme celle de Jacky, dans le 20e arrondissement de Paris.
Enfin, le reste est expédié vers des pays en développement, principalement en Afrique subsaharienne, comme au Sénégal, où nous avons rencontré Othmane, vendeur de fripes dans un « louma », un marché mobile de Dakar, ou encore dans le petit village de Sita Wulin Yéra, au plus profond de la campagne. Ironie du sort : on y plante aussi du coton. La boucle de la chaîne mondiale du textile est bouclée.